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L’économie expliquée à ma fille – Partie 3 Décider et survivre

Episode précédent – Robinson

—  Je peux manger un morceau de fromage, j’ai faim ! Promis je continue de t’écouter

—  Non.

—  Hein ???

—  Ta faim est une aubaine Yael, elle va te permettre d’apprécier la situation dans laquelle se trouve Robinson.

—  … Et s’il se fait dévorer la main par un tigre, je vais devoir souffrir aussi pour “apprécier”  ce qu’il vit ?

—  Ce que tu racontes n’a pas de sens, il n’y a pas de tigre sur les îles du pacifique.

—  J’en parlerai à la dame de la Ddass quand elle viendra…

—  C’est ça ! Et on discutera des enfants trop gâtés autour d’un chocolat chaud.  En attendant, Robinson a faim et il faut qu’il agisse.

—  Ce n’est pas plus urgent de trouver à boire ?

—  Plouf plouf ! Il a trouvé un petit ruisseau à proximité immédiate de la plage. c’est réglé.

—  Attends, j’essaye aussi. Plouf Plouf ! Il a trouvé une caisse de fromage et des crackers… et du Nutella. C’est bon le Nutella ! Problème résolu !

—  Arrête tout de suite cette danse de la victoire ! Tu n’as pas droit au plouf plouf ! C’est mon privilège. Et arrête de m’interrompre ou je vais changer pour “L’économie expliquée à mon chat”.

—  Chiche !

Alors que je me demande si le secouage d’une adolescente de 12 ans est sanctionné par le Code pénal, je tente de renouer le fil du récit.

—  Robinson ! Faim ! Manger !

—  Il n’a qu’à manger les noix de coco de tout à l’heure.

—  Va pour les noix de coco, mais il va falloir les trouver, si tant est que ce soit la saison….

—  Il y a des saisons pour les noix de coco ?

—  Je ne sais pas. Va voir sur wikipedia. De toutes façons il va devoir trouver un moyen de les ouvrir ces noix de coco. Il peut aussi se tourner vers le lagon qui entoure l’île et considérer qu’il y a là une meilleure opportunité de trouver la nourriture dont il a besoin. Son temps est précieux, il va devoir prendre des décisions qui ne s’avéreront pas toujours judicieuses. Il dispose de ressources limitées, son travail, le capital constitué par les ressources brutes de l’île et ses besoins sont immenses. C’est de cette opposition entre des ressources limitées – l’économiste les qualifiera de “rares”  – et des besoins gigantesques que nous considérerons comme impossibles à assouvir que naît l’économie.

—  Des ressources rares ? Mais il a toute une île pour lui !

—  Ne te laisse pas abuser par l’apparente profusion. Ces ressources ne sont pas infinies et elles ne se laissent pas exploiter facilement. L’histoire de l’humanité et même de la vie c’est en premier lieu l’histoire d’une lutte pour survivre au moins jusqu’à demain.

—  Et c’est quoi cette histoire de besoins illimités ? On peut se satisfaire de ce que l’on a, non ?

—  Tu t’es satisfaite de ce que tu avais à l’approche de Noël ? Non. Et c’est pareil pour Robinson, c’est pareil pour l’extrême majorité d’entre nous que ce soit lié à notre cerveau primitif et la peur de manquer ou aux relations sociales qui nous dictent qu’il faut avoir ce que les autres possèdent. Quoique, dans le cas présent, Robinson manque singulièrement de compagnie…

—  Alors c’est seulement ça l’économie ?

—  Oui c’est seulement ça dans notre exemple. Comment Robinson va-t-il faire, au mieux, avec les ressources disponibles pour satisfaire ses besoins. Quelles décisions doit-il prendre ? L’économie est d’ailleurs souvent appelée la “science des choix”. Mais si ça semble se limiter à un guide de survie aussi dérisoire, c’est parce qu’on a pris la peine de réduire le Léviathan. Robinson est uniquement préoccupé par ses besoins immédiats, demain n’existe pas ou si peu. Et surtout il est seul. L’économie ça se complique avec l’autre.

—  Qui ça ?

—  L’autre, d’autres êtres humains, d’autres personnes.

—  Ca va ressembler à Koh-Lanta ton truc !

—  On veillera à ce que ce ne soit pas le cas.

Episode suivant – Demain

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